Fait-main, sans additifs

En 1978, le journaliste écrit à la main, ou à la machine. Il ne sait pas encore que plus tard il aura un ordinateur et qu’il lui suffira d’attendre encore un peu pour pouvoir rédiger ses articles en pompant sur le Web (non, je rigole, personne ne fait ça).

Dans les rédactions, il dispose d’une secrétaire à qui il refile ses torchons. Elle les retape sur un papier calibré au feuillet, reproduit en 4 exemplaires qui, une fois visés par le chef de service, chemineront à tous les étages : secrétariat de rédaction, correction, maquette…

J’ai recherché ça pour te le montrer

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« Aux deux salles de cinéma Paramount :  on projetait pour le week-end un film porno (Exhibition II) et un fantastique (L’invasion des soucoupes volantes). L’affluence s’est soldée par 60% de places vendues en plus. Les fauteuils y sont nettement plus confortables que les banquettes de l’aéroport… »

C’était ma première enquête, le 1er août 1978 à Orly-sud, à l’occasion d’une grève des contrôleurs aériens. J’étais en stage depuis deux jours. Personne ne m’avait dit comment faire, je partais sans aucune expérience et sans la moindre idée de ce que j’allais rapporter. C’était aussi stressant pour moi que d’aller aujourd’hui interviewer un chef d’état ! Pourtant il ne s’agissait pas encore de rendre un article. Mes notes venaient seulement nourrir le papier d’un « vrai »journaliste.

Tu veux que je te dise comment je l’avais décroché ce stage ? Sans le savoir, deux ans auparavant sur une plage en Bretagne. Je m’y étais fait une copine de vacances, Eliane, dont le père était Rédacteur en chef au Point. Elle avait insisté pour que j’aille le voir de sa part. J’en crevais d’envie, mais de peur aussi. La chance ne m’a jamais fait défaut, mais j’ai souvent manqué de l’audace nécessaire pour la mettre à profit. Bref, je n’ai plus jamais revu Eliane et j’ai oublié son papa. Jusqu’à ce jour, tu sais, où j’ai eu 24 ans… J’ai pris mon courage à deux mains, j’ai écrit, il m’a répondu. Ça s’appelle de la double chance.

C’est à cet homme, Robert Franc, que je dois probablement tout ce qui s’est ensuivi. Pourtant, je l’ai très peu connu. Une quinzaine de jours après mon arrivée il est tombé malade ; quelques semaines plus tard il décédait. J’aurais aimé au moins mettre une photo de lui ici, je n’en ai pas trouvé. Je suis trop vieille pour qu’Internet ait accès à tous mes souvenirs.

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